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A l'image des bestiaires du Moyen Âge, les animaux de Jean Giono peuvent être réels, mais sont le plus souvent fantasques ou imaginaires. Affabulateur de génie, l'auteur nous fait découvrir les caractéristiques du « grain de tabac » de la «bête du Gévaudan», du « cheval de paille», de l'«émeraude», du «minus», ou encore du « verrat-maquereau».
Parfois ces bêtes, microscopiques ou monstrueuses, surgissent de situations extravagantes d'une grande drôlerie où le narrateur se met en scène. Mais la plupart des textes sont de simples descriptions de l'animal où, avec bonhomie et précision, on parle de sa nature et de ses moeurs. Le ton de Giono est pincesans-rire et se joue allègrement du discours académique.
Les 19 textes qui composent l'ouvrage sont rédigés entre 1956 et 1965, comme des divertissements alors que Giono travaille à de grands romans. Il s'amusera à les compléter par des séries de citations (la plupart inventées de toutes pièces) sous le titre de marginalia. Des citations d'autant plus incongrues qu'elles n'ont finalement aucun rapport avec l'animal décrit. Comme Borges dans Fictions, Giono est un raconteur d'histoires, celui qui aime si bien brouiller les pistes et perdre le lecteur dans le vertige du paradoxe. -
Pour se connaître il faut d'abord connaître la nature. Libre nature, recueil de textes écrits entre 1857 et 1905 par Elisée Reclus, rappelle ce fait fondamental d'appartenance organique : l'être humain n'est ni au-dessus, ni à-part, de la nature. Il en fait partie - avec juste un surcroît de conscience.
Dans ces courts textes (des essais, mais aussi des correspondances et des observations de ses nombreux voyages), le géographe libertaire et précurseur de l'écologie politique, y aborde les thématiques de l'être humain en lien avec son milieu naturel. Avec quelques questions très actuelles comme le végétarisme, la religion et la morale, l'habitat ou la vie animale. Opposé autant aux dominations qu'aux soumissions aux lois naturelles, Reclus nous parle de reconnaissance et d'inclusion, de droits comme de devoirs : « Le vaste monde nous appartient, et nous appartenons au monde. » La nature devient, à travers les yeux du géographes, un monde en soi. Un vis-à-vis essentiel pour enrichir notre pensée. -
Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix
Jean Giono
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 15 Mai 2013
- 9782940517046
La Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix est écrite durant l'été 1938, entre le début juillet et la mi-août. Jean Giono la rédige dans une atmosphère de bouleversement. En pacifiste convaincu il sait que depuis l'Anschluss les Français se préparent de plus en plus à la guerre et sont prêts à la faire. Son intention n'en est que renforcée?: «?Continuer à combattre, écrit-il le 16 mars dans son journal, contre le militarisme et forcément commencer par lutter contre celui de ma patrie.?» Or abattre la guerre, c'est abattre l'État, quel qu'il soit.
Cet éloge de la pauvreté et de la paix nous force à nous retourner sur la figure du paysan, mais aussi à questionner une société occidentale se donnant en modèle et refusant de fait toute contestation.
Recevoir cette lettre et la lire c'est un peu devenir paysan soi-même, c'est regagner le droit d'être libre et autonome.
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Du coin de l'oeil ; écrits sur la photographie
Nicolas Bouvier
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 18 Octobre 2019
- 9782889550227
Le présent recueil réunit les textes que Nicolas Bouvier a écrit sur la photographie entre 1965 et 1996. A de nombreuses occasions, l'auteur genevois avait parlé de son métier d'iconographe, notamment dans le petit livre Le hibou et la baleine, paru en 1993, mais sa réflexion sur l'acte photographique restait à découvrir. Jusqu'à ce jour, les écrits qu'il a dédié à ce sujet (préfaces, articles de presse, introductions à des catalogues d'exposition) restaient dispersés. Près de quarante textes se trouvent ainsi rassemblés ici. Parmis eux, certains relatent également son activité de « chercheur-traqueur d'images », qui aura été son gagne pain durant près de trente ans. Il nous a paru intéressant de les reprendre ici, d'autant plus que quelques-uns de ces textes sont totalement inconnus et n'ont jamais été republiés.
Photographe à ses débuts (par nécessité), portraitiste (par accident), chroniqueur (« aliboron ») : la photographie est une constante dans le parcours de l'écrivain voyageur. Nicolas Bouvier s'intéresse à la photographie parce qu'il entretient un rapport passionnel à l'histoire de l'estampe. Les images qu'il affectionne n'appartiennent jamais à la « grande » peinture classique mais toujours à l'art populaire. Dans les textes qui composent ce recueil, il est beaucoup question de ses tâtonnements : l'important pour l'écrivain étant d'élaborer une esthétique de l'effacement puis de se « forger une mémoire iconographique ». Il tirera son enseignement de ses nombreux voyages et des recherches infatigables dans les bibliothèques du monde entier.
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Comprendre une photographie
John Berger
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 19 Septembre 2017
- 9782940517725
Originaux et provocants, les écrits de John Berger sur la photographie font partie des textes les plus révolutionnaires du 20e siècle. Ils analysent les oeuvres de photographes tels qu'Henri Cartier-Bresson et Eugene Smith avec un mélange d'intensité et de tendresse, tandis qu'ils sont toujours portés par une implication politique réelle. À leur manière, chacun des ces essais tente de répondre à la question suivante : comment regardons-nous le monde qui nous entoure ?
Regroupant des textes issus de catalogues d'artistes, expositions, articles, etc., Comprendre une photographie est un voyage à travers les oeuvres de photographes divers, d' André Kertész à Jitka Hanzlová, en passant par Marc Trivier, Jean Mohr ou Martine Franck. Certains des articles regroupés ici ont déjà fait partie de choix de textes de John Berger publiés notamment aux éditions de L'Arche, Champ- Vallon ou Le Temps des Cerises, tandis que d'autres sont traduits en français pour la première fois. La présente sélection reprend l'édition anglaise intitulée Understanding a Photograph, établie par Geoff Dyer et publiée en 2013 chez Penguin Books.
« La photographie, pour ces quatre auteurs [ Roland Barthes, Walter Benjamin, John Berger et Susan Sontag ], a un intérêt particulier, mais ce n'est pas une spécialité.
Ils approchent la photo non avec l'autorité de curateurs ou d'historiens du médium mais comme essayistes, comme écrivains. Leurs textes sur le sujet ne sont pas tant les produits d'un savoir accumulé que la consignation active du mode ou processus d'acquisition et de compréhension d'un savoir. » Geoff Dyer, extrait de l'introduction à Comprendre une photographie
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Atemnot (Souffle court) est un recueil composé de vers brefs et incisifs, écrits en français et en allemand.
Chaque poème se tient au seuil de l'autre langue. La langue est à la fois limite et lieu de réinvention. Comme à travers un miroir vacillant, les poèmes en montrent l'instabilité. Un corps se heurte à d'autres corps. Le corps traverse des langues et des territoires. Chaque langue est étrangère. Une voix tente de lier. Alors que l'air manque, violence intime et fracas extérieur se font écho. Les poèmes marquent la quête d'un territoire respirable. Comme un souffle tenu, un mince filet d'air sinuant entre les langues. -
La joie d'apprendre
Elisée Reclus, Pierre Kropotkine
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 21 Août 2018
- 9782940517749
Sans être un éducateur proprement dit, Élisée Reclus peut-être considéré comme une figure-clé de l'éducation libertaire et de la création d'écoles « libérées » et d'universités populaires entre le 19e et le 20e siècles. Son intérêt pour l'éducation traverse toute son oeuvre, et si les textes explicitement dédiés à cette question sont assez rares, sa langue même en fait un passeur de savoir formidable. Très largement diffusés, ses écrits vont littéralement ouvrir toutes les portes. Pour Reclus, le savoir permet non seulement de se construire, mais aussi de s'appartenir.
C'est selon lui à travers l'étude et l'observation de notre milieu que les contours de notre existence et de notre condition terrestres apparaissent le plus distinctement.
La personne humaine ne peut se connaître hors de son appartenance à la nature. Plutôt que d'opposer culture et nature, il choisit volontairement de les penser ensemble. « L'homme, écrira-t-il en tête de son dernier ouvrage, est la nature prenant conscience d'elle-même ».
Cet intérêt est largement partagé dans son cercle d'amis. Pierre Kropotkine et Charles Perron proposent eux aussi une éducation géographique en actes, une approche directe et complète du monde entièrement dédiée à la découverte d'un lieu non borné.
A l'heure où les repères proprement géographiques se brouillent, les écrits d'Élisée Reclus et de ses collaborateurs réunis dans La joie d'apprendre rappellent avec une insistance bienvenue que tout commence ici, autour de nous, dans cet espace de connivence entre lieu et monde, entre expérience et savoir. Sachant que savoir c'est enseigner, et qu'enseigner c'est rendre ce qui nous a été donné.
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A l'heure où le pouvoir de la cartographie paraît sans limite, où, par la force et la vitesse de calcul, les artifices et les conventions qui l'ont rendue possible s'estompent de plus en plus et deviennent de plus en plus difficiles à discerner, son ambivalence doit être plus que jamais soulignée. A la fois remède et poison, la carte peut en effet figurer comme défigurer le monde, nous mettre en rela-tion comme faire écran. A la réflexion, le cartographe n'est pas tant celui qui dessine la carte que celui qui va conserver en lui, coûte que coûte, la capacité d'être questionné par ce qu'il est en train de réaliser ou d'utiliser. Dans l'esprit d'Élisée Reclus (1830-1905) ce questionnement s'inscrit dans la volonté de nous en tenir toujours à la vérité géographique, quand bien même « toutes les représentations et tous les symboles de la vie sont sans grand rapport avec la vie elle-même », quand bien même « nos ouvrages sont dérisoires en regard de la nature ». Il sait que c'est un cas de conscience pour les géographes et les cartographes de toujours montrer la surface terrestre telle qu'ils la savent être et non telle que l'on voudrait qu'elle paraisse. Conscience cartographique donc, marquant le chemin à parcourir jusqu'à la « cartographie vraie », ainsi que la distance nous en séparant encore. Écrits cartographiques rassemble les écrits cartographiques majeurs, pour une part inédits, d'Élisée Reclus et de ses proches collaborateurs, Paul Reclus, Charles Perron et Franz Schrader.
Aujourd'hui, plus que jamais, nous avons besoin d'une cartographie capable de donner à sentir et percevoir l'unité terrestre, en son tout et en ses parties. Les objets (globes, cartes, reliefs) conçus et imaginés par Reclus et ses proches l'ont été dans ce but. Ils demeurent à construire.
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Les poèmes réunis sous le titre de « Résistance » ont été écrits en 1933 à Orenbourg dans l'Oural, où Victor Serge, dissident russe, se trouvait en exil. Témoignant des conflits politiques et culturels de la première moitié du 20e siècle, ces textes sont un éloge à ses proches amis et camarades, et rendent compte de la vie des exilés dans les steppes. Ils se font la voix des sans-voix, des humiliés, des offensés, des hérétiques et appellent à la résistance permanente ainsi qu'au refus de l'oubli.
Initialement parus en 1938 dans la revue Les Humbles, les poèmes de Victor Serge ont été publiés par les éditions François Maspero, dans la collection « voix », sous le titre Pour un brasier dans le désert. En 1998, les éditions Plein Chant publient une nouvelle fois ces poèmes dans la collection « Type-Type ».
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Écrits sociaux rassemble les écrits qu'Élisée Reclus a consacrés à l'anarchie entre 1851 et 1904. Ils paraissent en français pour la première fois, remplissant un vide étonnant. Cette anthologie a été constituée par un jeune anarchiste italien, émigré en Argentine dans les années 1920 : Severino Di Giovanni. Di Giovanni est un passionné de Reclus, il a en tête en ce début janvier 1930 de fêter le centenaire de la naissance du géographe-anarchiste en publiant ses oeuvres complètes. Nul ouvrage posthume d'Élisée Reclus n'avait jusqu'alors - et depuis - réuni ses écrits anarchistes.
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Dans Autour du cairn, Alexandre Chollier multiplie les points de vue. Il mêle analyse et références anthropologiques, philosophiques et sociologiques et propose un large éventail de références issues de ses recherches. Rythmé par les dessins de Marc De Bernardis - un ami peintre amoureux de montagne à l'origine de son intérêt pour le cairn, Autour du cairn convoque des lieux, des récits et des voix de poètes, d'anthropologues, de philosophes - pour faire entendre la « parole des pierres ». Édouard Glissant, Jean Giono, Maurice Chappaz ou Roger Caillois sont invités à nourrir cette réflexion. Mais aussi Nicolas Bouvier, qui écrivait : « Je ne pars jamais des mots pour aller aux choses, toujours l'inverse. » Si la figure du cairn se fait à l'occasion silhouette, ses noms ne manquent pas d'indiquer l'essentiel et de dessiner un monde où l'humain et le non-humain deviennent solidaires l'un de l'autre. Des noms dès lors à la présence vive :
Galgal, clapier, montjoie, monticule, murger, tumulus, castelet, champignon, garof, segnavia, ometto, uomo di sasso, mound, Steinmann, Steinberg, Steinpyramide, Wegweiser, radjma, kerkour, kalacha, nishan, chaps, chorten, stûpa, laptse, obo, apacheta, innunguaq, inuksuk...
Dans le cairn rien n'est isolé, ni mot, ni chose, ni être, ni lieu. Indicateur d'une géographie concrète, le cairn dit le monde tel qu'il est.
Dans l'Himalaya, les Alpes et en Laponie, sur les sentiers des anciens pays celtes et chez les Indiens d'Amérique, il indique une frontière, borne le chemin, marque le passage d'un col, une tombe ou un lieu de chasse. Les passants - bergers, nomades, randonneurs ou voyageurs - y ajoutent une pierre, prenant le risque de l'écroulement ; oeuvre collective en constante transformation, le cairn résiste au passage du temps justement parce qu'il est fragile, toujours changeant et reconstruit.
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Rythmes I & II, Poèmes sont les trois premiers recueils de poèmes de Charles Reznikoff. Tout d'abord publiés et imprimés à compte d'auteur, ils furent réunis en un seul volume en 1920 à New York et constituent le premier ouvrage du poète à être sorti chez un éditeur.
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Le recueil Les Alpes nous projette à la suite du géographe et de ses amis en plein coeur de l'Europe, dans ce que Reclus considérait comme sa colonne vertébrale.
Un espace pétrit d'échanges, appelant les liens, nourrissant le mouvement ;
Dans les faits faisant de la montagne et de ses alentours un monde ouvert. Si par ailleurs la « frontière » demeure, elle permet à de nouvelles formes de liberté et d'autonomie d'exister.
Élisée Reclus entretint tout au long de sa vie un rapport intime avec les grandes Alpes, que ce soit lors de ses nombreuses excursions, préalable indispensable pour l'écriture de guides de voyage touristiques Joanne, ou lors de son long exil en Suisse. Il disait qu'une existence est incomplète, lorsqu'il lui manque la joie d'un voyage dans Les Alpes.
Qui aime vraiment un lieu, un espace, sait qu'il s'agit d'en conserver et d'en augmenter la beauté. Élisée Reclus décrit le monde alpin avec force et conviction.
Pour nous accompagner dans cette découverte sensible, deux proches de Reclus : l'anarchiste James Guillaume (1844-1916) et le cartographe Charles Perron (1837-1909).
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L'homme des bois ; les populations indiennes d'Amérique du Nord
Elie Reclus, Elisée Reclus
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 23 Février 2012
- 9782940358786
Le recueil L'homme des bois rassemble les écrits qu'Elisée Reclus (1830-1905), l'un des géographes les plus célèbres de son époque, et son frère aîné Elie Reclus (1827-1904), ont consacrés à l'Indien, l'habitant naturel des grands espaces américains, bien avant que ceux-ci ne deviennent Canada, Etats-Unis et Mexique que nous connaissons aujourd'hui.
L'attention qu'Elisée Reclus porte aux Indiens dans la Nouvelle Géographie Universelle (1876-1894), relève d'une démarche incluant pour la première fois, dans des ouvrages géographiques, la critique des crimes coloniaux, de la Conquista jusqu'aux Empires européens de la fin du 19e siècle. Les Indiens intéressent Reclus à la fois comme population indigène et en tant que victimes des persécutions et du racisme des prétendus civilisateurs blancs.
Le géographe est fasciné par leur manière de vivre qui lui fournira, non pas des modèles, mais une source pour sa conception idéale de la société qu'il développera dans des écrits plus proprement anarchistes. Elisée Reclus a connu l'Amérique pendant son premier exil, de 1852 à 1857, en voyageant de la Louisiane jusqu'à la Sierra Nevada de Sainte-Marthe, où il avait essayé de fonder une communauté capable d'abriter d'autres exilés républicains européens, en s'inspirant de la très connue "utopie tropicale" d'Alexandre de Humboldt.
Reclus deviendra célèbre aussi pour ses articles sur la guerre de sécession américaine, publiés dans la Revue des deux mondes de 1861 à 1865, qui lui valent la consécration comme porte-parole officieux du mouvement anti-esclavagiste américain. Les frères Reclus sont passionnés par les moeurs des populations indigènes et y portent un regard qui ne relève jamais de la prétention de supériorité dudit "civilisé".
Les textes d'Elie sur la mythologie et la culture indiennes font écho aux articles de la Nouvelle Géographie Universelle d'Elisée. Il nous est paru important de présenter à la fois des textes d'Elisée et d'Elie, car leur étroite collaboration, commencée dans les milieux socialistes français et ayant contribué à la naissance du mouvement anarchiste international, se poursuit dans leurs carrières scientifiques respectives.
Si Elie est bien moins connu que son frère, ses travaux comme ethnographe et comme responsable de la bibliothèque de Hachette font de lui un des collaborateurs et des informateurs privilégiés de l'ouvrage encyclopédique d'Elisée.
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Dans cette suite de promenades-récits on suit Daniel de Roulet à travers une Suisse arpentée d'abord d'ouest en est, puis du nord au sud. Le protocole est simple : sur treize randonnées d'abord, aller de Genève à Rorschach dans le canton de Saint- Gall. Puis sur seize autres, aller de Porrentruy dans le Jura suisse, à Chiasso dans le Tessin. Pour chaque tronçon effectué, s'accompagner d'un écrivain, poète ou autre figure marquante liée, d'une façon ou d'une autre, aux endroits traversés.
On retrouve Tolstoï, Lénine, Paracelse, Goethe ou encore Rimbaud, mais aussi, évidemment, plusieurs classiques de la littérature suisse, d'Annemarie Schwarzenbach à Ramuz, en passant par Walser, Max Frisch, Agota Kristof ou Dürrenmatt.
Traversée de la Suisse géographique, certes, mais aussi intellectuelle, une «Suisse de travers» aperçue par la multiplicité des regards posés sur elle. Les promenades de Daniel de Roulet, tissées des citations des auteurs emportés, sont aussi des descriptions « en temps réel » des chemins empruntés, des vues qui s'offrent au marcheur, de la qualité des terrains empruntés... et sont souvent agrémentées du récit de quelque fait historique marquant.
Itinéraires de marche, itinéraires de pensée. Comme une sorte de guide atypique et littéraire de la Suisse, les vingt-neuf textes-étapes de Daniel de Roulet nous invitent dans une Suisse inédite, celle du marcheur contemporain qui, fort de ses propres réflexions, s'accompagne d'autres penseurs pour avancer - physiquement et autant que littérairement.
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La Farine est le premier livre de Benoît Damon. Sous-titré Une confession, l'ouvrage avait retenu l'intérêt de la critique comme du public. Récit âpre et tendu des années vécues entre l'adolescence et l'âge d'homme par un narrateur « en miettes », « un pitre humilié », « une caricature de Pierrot lunaire » qui se « pique à la poudre de Perlimpinpin pour garder la forme », cette remémoration d'une jeunesse fourvoyée par on ne sait quel tour de magie noire ou blanche signalait la naissance d'un écrivain. Dans une prose creusée, lapidaire et pointue, le narrateur évoque son apprentissage de boulanger-pâtissier. Les lieux, les hommes se rappellent à lui. Et les années de formation qui bien souvent déterminent la courbe d'une vie sont ici ramenées, contenues dans de brefs chapitres arrachés au silence comme autant d'éclats tranchants. Par-delà un hypothétique lecteur futur, c'est à sa mère que Benoît Damon adressait cette confession. La rage de lire qui très tôt s'est emparée de lui, ainsi que la puissance de vie léguée par «les écrivains morts» viennent éclairer la sombre traversée. Tout à la fin, une soudaine réconciliation « de moi à moi, et de mon être au monde » alertera le narrateur sur une métamorphose en cours qu'il était loin de soupçonner...
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Illustré par Siné et publié pour la première fois en 1955, La souris qui rugissait est un roman où se dessine, à travers l'humour et des situations frisant l'absurde, une critique acerbe du monde de l'après Deuxième guerre mondiale. Le regard ironique que porte Leonard Wibberley sur la politique menée par les grandes puissances économiques est plus que jamais d'actualité. De la bombe atomique à la guerre expresse en passant par l'invasion extraterrestre, tout concourt à tourner en dérision les grandes hégémonies. Le roman met en scène l'imaginaire et drôlatique Duché du Grand-Fenwick, dernière nation au monde à être indépendante. Après avoir déclaré la guerre aux États-Unis, ce minuscule pays perdu dans les Alpes quelque part entre la France, la Belgique et la Suisse, va déséquilibrer les rapports de force entre états à l'échelle mondiale. Conte satyrique, fable burlesque à l'humour typiquement anglais, La souris qui rugissait se lit d'une traite et provoque de nombreux éclats de rire...
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Lexique du verbe quotidien
Bernard Charbonneau
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 8 Juin 2016
- 9782940517497
Bernard Charbonneau peut être considéré comme un des précurseurs de l'éco-logie politique. Lexique du verbe quotidien réunit une série d'articles publiés au cours des années cinquante dans la revue Réforme. Ces textes manifestes sont les embryons de livres à venir. Du Jardin de Babylone, à La planète et le canton, en passant par Tristes Campagnes et La fin du Paysage, Bernard Charbonneau acquiert la conviction que ce siècle sera à la fois - et pour les même raisons - celui des totalitarismes et du saccage de la nature. Cette position orientera sa manière de décrire l'évolution du monde et des paysages qui l'entourent ; elle sera le fil rouge de sa carrière de penseur et de géographe. Bernard Charbon-neau dénonce les ravages de l'agriculture intensive et de l'industrie, dévoreuses de ressources naturelles et polluantes, tout en dépassant le cadre strict de la question écologique. Sa pensée s'étend à tous les aspects de la société moderne fondée sur le principe de la croissance et du développement, qu'il soit décrété « durable » ou pas : la bureaucratie, l'idéologie du travail, la parcellisation des tâches, les médias, l'éducation et le système scolaire, l'élévation de la perfor-mance et de la concurrence au rang de valeurs.
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Rythmé par des événements où se mêlent les dernières catastrophes écologiques majeures et la perte de la mère, la Fauvette, Terre sentinelle regarde le monde du vivant avec les yeux d'un enfant unique, explorateur & orphelin, qui joue parfois au savant (Ur, L'Évolution des formes s'étend à toute la couleur).
Alternant visions au très près, au risque de l'intimité, et porosité au monde, le recueil est construit comme une géographie du chez soi, qu'il soit aux antipodes (Je parle Mozambique, Dont est jouissant, endemia) sur les rives de la rivière natale (De la gnature d'Arva) ou dans le grenier (Intimité du monde).
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Manifeste et boule de gomme
Jean-Luc Parant
- Heros Limite
- Feuilles D'herbe
- 11 Juillet 2018
- 9782940517862
Si Jean-Luc Parant a fait des sculptures de boules son identité artistique, il ne s'est pourtant pas limité à cette seule pratique. Au cours des années il a développé un travail parallèle, qui n'est éloigné du premier qu'en apparence : il reproduit des oeuvres d'art connues, refait des Beuys, des Filliou, des Michaux, des Dubuffet, des Sol Lewitt... Par cet acte de faussaire, il ne cherche pas tant à confondre des originaux qu'à offrir à tout un chacun la possibilité de s'approprier à moindre frais le patrimoine de l'histoire de l'art. Car, il le répète, les oeuvres d'art ne devraient pas être la propriété d'une poignée d'élites, mais un bien à destination et à disposition de tous... De la même façon qu'une boule est une forme élémentaire, aisément recopiable, infiniment reproductible, facilement accessible à tous ceux qui voudraient se faire pour eux-mêmes un « Jean-Luc Parant ».
Cette oeuvre exigeante et généreuse, qui ne cesse de questionner la notion de propriété « de » et « dans » l'art, il semblait donc logique de la prolonger en offrant à chacun la possibilité de se constituer son propre musée. Non par un acte de possession égoïste, mais dans l'idée que chacun est à sa façon un créateur.
Et que chaque créateur est quelque part un résistant. Car si les grandes oeuvres portent en elle la « liberté d'être copiées », c'est aussi parce qu'elles possèdent intrinsèquement « la liberté d'appartenir à tous ».
Copier, pour Jean-Luc Parant, est donc à la fois un geste politique et humaniste.
Il s'en explique dans ce petit texte en forme de manifeste, où ce qui est en jeu, au final, c'est la nature même de sa pratique et de sa conception de l'art.
Paru initialement en 2007 aux éditions Al Dante, alors que Jean-Luc Parant était en examen et dans l'attente de son procès, ce petit texte est désormais introuvable. Son intérêt au regard de l'oeuvre de Jean-Luc Parant, autant que les questions qu'il pose à l'art, à la littérature et à la société en général, en font un ouvrage qu'il nous semble essentiel de pouvoir rééditer aujourd'hui.
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Offrande incessante de coeur à coeur.
La nuit palpitante unit nos seuils.
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Réciter moins, résister mieux : Ecrits pédagogiques 1917 - 1925
Henri Roorda
- Héros-Limite
- Feuilles D'herbe
- 4 Avril 2025
- 9782889551170
Henri Roorda, maître de mathématiques lausannois d'origine hollandaise (1870-1925), à ses heures journaliste, conférencier, essayiste et auteur dramatique, parfois sous le pseudonyme de Balthasar, n'a cessé d'écrire sur l'école.
Son premier article, en 1898, doit beaucoup à son contact privilégié avec le célèbre géographe français et théoricien de l'anarchisme Élisée Reclus, auteur en 1886 d'une brochure influente intitulée «L'avenir de nos enfants». Mais Roorda se démultiplie ensuite pour défendre et préciser ses vues sur l'école: il rédige des manuels officiels d'arithmétique et de mathématiques (un pensum!), donne des conférences et livre des dizaines de chroniques aux grands quotidiens suisses romands (1917-1925); en 1910, il participe à la création de l'École Ferrer de Lausanne, petite école libertaire destinée aux enfants d'ouvriers, dont il écrit la «Déclaration de principes».
Paru en 1917, son premier pamphlet pédagogique, Le pédagogue n'aime pas les enfants, connaît un grand retentissement. Et contrairement à ce quil craignait en 1925 dans le second, Avant la grande réforme de l'an 2000, ses textes sur l'école n'ont pas «sombré, comme beaucoup d'autres ouvrages, dans l'océan des imprimés». Lire les écrits pédagogiques de Roorda aujourd'hui, c'est se demander, derrière les grands principes, ce qu'on apprend dans nos écoles. Et pourquoi? Et comment?
Le souhait que Le pédagogue n'aime pas les enfants figure obligatoirement parmi les lectures de tous les enseignants en formation a déjà été formulé. Cette édition fait mieux qui réunit pour la première fois les deux essais pédagogiques de Roorda et leur ajoute un choix de chroniques humoristiques par lesquelles il a pu rire, avec un large public, des défauts de l'École.